Le Mardi 26 novembre 2024 - 19h00 - Hôtel de Ville, Tours
Lire la suiteLe 20 novembre 2014
« Philomuses » est un espace d’exposition au 55 quai des Grands Augustins, qui accueille des concerts pour un public d’habitués. La devise de l’Association résume sont activité : « être au service de l’art sous toutes ses formes ». La salle-galerie équipée d’instruments peut accueillir une cinquantaine d’auditeurs qui ont en outre la possibilité d’apprécier les toiles de l’exposition en cours, en l’occurrence celles du peintre Isabelle Delaunay, en même temps que de profiter de la proximité des interprètes dans une acoustique très présente.
Si le XIXème siècle a été celui du quatuor à cordes, le XXème a vu le développement des quatuors à vent s’épanouir pour arriver aujourd’hui à une diversité remarquable tant dans leur composition que dans leur répertoire. Ce furent d’abord des quatuors de cuivres (et j’ai été le premier à en créer un en 1958 : l’Ensemble de Cuivres de Paris), en même temps que les quatuors de saxophones, de flûtes, d’anches doubles (hautbois-bassons). Autant le quatuor à cordes avait, et a toujours, une forme fixe et immuable (deux violons, alto, violoncelle), autant ces ensembles à vent ont des formes diverses. De plus il n’est pas rare qu’au sein d’un même ensemble, dans le quatuor de saxophones par exemple, un même musicien soit amené à jouer plusieurs instruments, le soprano et le sopranino, ou le baryton et la basse.
Pour ce qui est de la clarinette qui nous occupe, le choix est vaste pour constituer un quatuor. Outre la petite clarinette au son criard, la clarinette en sib et celle en la qui fait merveille dans les trois pièces de Stravinsky, on dispose du cor de basset que l’on a réhabilité dans le Requiem de Mozart, de la clarinette de basset en la pour le concerto du même Mozart amoureux de l’instrument, de la clarinette alto, de la basse et de la contrebasse. La palette est donc très large et le choix est difficile car caque formule de combinaison en ensemble a ses avantages et ses inconvénients sur lesquels il serait trop long de disserter.
« Anches Hantées » a fait le choix le plus simple : trois clarinettes et ne clarinette basse. Cette formule s‘avère être la mieux adaptée et la plus efficace, eu égard au répertoire choisi, car le répertoire a une incidence primordiale sur la constitution de ces ensembles.
Ce répertoire d’Anches Hantées se veut populaire. J’entends « populaire » au meilleur sens du terme, à savoir accessible à tous et de grande qualité. Il ne peut donc être constitué que de transcriptions ou d’adaptations puisque les œuvres originales pour ce type d’ensemble, oeuvres qui n’ont vu le jour que dans les cinquante dernières années, sont rares et pas toujours d’un abord ou d’un intérêt susceptibles de retenir l’attention et de séduire un public de béotiens ou de mélomanes non spécialisés.
Les puristes ou les snobs pourront faire la fine bouche devant un tel répertoire, prétendant que mieux vaut l’original que la copie. Certes c’est un point de vue respectable, même si parfois la copie vaut, ou surpasse, l’original. Mais s’ils sont honnêtes avec leur conscience et leur jugement, après avoir entendu « Anches Hantées » ils ne pourront, c’est impossible, s’en tenir à leur dogme tellement les arrangements sont habilement adaptés et surtout servis par une équipe de véritables artistes qui ne sont pas de simples « fonctionnaires de la double-croche » comme on en rencontre si souvent aujourd’hui et jusqu’au plus haut niveau.
Chaque pièce du programme (Strauss, Puccini, Dvorak, Debussy, Brahms) a été minutieusement mise en place avec tout ce qu’il faut pour la valoriser : rubati très étudiés, nuances jamais exagérées, articulations bien réglées, musicalité, justesse contrôlée, équilibre, sans oublier un enthousiasme communicatif, le tout pour parvenir à l’émotion quand il le faut, à la dérision si nécessaire, à la légèreté primesautière, au cocasse, toute une palette de sentiments bien réglée. Un travail d’orfèvre qu’il faut saluer.
Jean-Louis Petit, compositeur